Gang En Amérique Latine !

25/04/2009 17:59

 

FLÉAU INCONTROLABLE

La prolifération des gangs pose un grave problème de sécurité au Salvador, au Nicaragua, au Honduras et au Guatemala. Ces derniers mois, les gangs ou maras en ont fait voir de toutes les couleurs aux autorités de ces pays, car on les tient pour responsables de l’accroissement alarmant des assassinats, des viols, des vols et des menaces typiques des gangs contre des citoyens de toutes les classes sociales. On affirme même que ces bandes de jeunes de 8 à 35 ans règnent sur de vastes zones urbaines de San Salvador, Managua, Tegucigalpa et Ciudad de Guatemala et d’autres métropoles de ces nations.

Devant cette situation, des campagnes ont été lancées dans chacun de ces pays pour combattre de telles bandes. Au Honduras, le président Ricardo Maduro a introduit à la Chambre Haute une initiative pour durcir les lois contre les gangs ; elle vient d’être approuvée. Au Salvador, le mandataire Francisco Flores a impulsé une loi similaire, également approuvée cette semaine par le Congrès. Au Guatemala, le gouvernement est en train de concevoir une réglementation semblable ; en attendant, les autorités locales prennent les devants et dans certaines localités de l’intérieur du pays, les maires et les chefs de la police ont uni leurs forces pour combattre les maras. Pendant ce temps, le Nicaragua cherche à approuver des lois similaires, bien que dans son cas les autorités aient instauré une coopération avec la société civile pour neutraliser les bandes.

Ces mesures, en particulier les lois approuvées au Honduras et au Salvador, ont été durement critiquées par les organisations de défense des droits humains. Les ONG signalent que, si les bandes posent effectivement un très grave problème de sécurité, elles ne sont pas la source de tous les maux dont souffrent ces pays, comme l’avait insinué à un certain moment le président hondurien Ricardo Maduro, et le renforcement des lois pourrait dériver en abus policiers.

De plus, ces organisations ont averti que les campagnes pourraient n’être que des formes de propagande, et non des initiatives réelles pour assurer la sécurité des citoyens et pour lancer des campagnes de réinsertion et de rééducation des jeunes délinquants.

Il existe deux versions pour expliquer le sens du nom de maras. L’une indique que mara est la contraction de « Marabunta », la fourmi guerrière qui se déplace en grand nombre et dévaste de larges zones de la forêt amazonienne. Cette acception serait due au fait qu’on identifie les mareros comme étant un groupe de jeunes qui a envahi le sud des États-Unis, s’est également propagé comme un fléau dans le sud du Mexique et dans les nations d’Amérique Centrale, et a pris un aspect destructeur. Selon la deuxième version, on parle de mara en l’honneur de la Vierge Marie.

Certains experts estiment que les gangs d’Amérique Centrale sont nés aux États-Unis et qu’ensuite les mareros expulsés auraient formé des bandes dans leurs pays, semblables à celles qui opèrent à Los Angeles et New York depuis les années soixante.

Les caractéristiques propres aux nations d’Amérique Centrale, pauvreté généralisée, anciens combattants des guerres civiles, corruptions institutionnelle et policière, ont introduit des éléments qui particularisent les bandes locales. Par exemple, il existe de sérieux témoignages selon lesquels de nombreux mareros du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala et surtout du Salvador auraient reçu une formation militaire.

 

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Au Guatemala, selon d’anciens bandits et des officiers de police, le marero qui commet le crime le plus violent gagne le respect du groupe. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que ces jeunes idolâtrent ceux qui sont tombés au combat, pendant qu’ils se réunissent périodiquement en petits groupes pour définir les stratégies de contrôle de leurs zones.

Les deux grands groupes de délinquants du Guatemala sont Mara Salvatrucha (MS) et Mara 18 (M18), qui ont leurs homologues à l’étranger, mais qui se subdivisent en petites bandes pour rendre plus opérationnel le contrôle des secteurs. Dans les rues, il y a eu de nombreuses confrontations entre les différentes maras, mais quand elles se font arrêter, elles se protègent mutuellement et font cause commune. Cette forme d’organisation leur donne de la force et assure qu’elles n’agissent pas sans ordre direct de leurs leaders, d’après ce qu’affirme Emilio Goubaud, du groupe Alliance pour la prévention du délit (Aprede). Tout le monde en voit les conséquences.

En prison, les mareros guatémaltèques se sont firent connaître par le massacre de Pavoncito, où le 24 décembre 2002 ils tuèrent 14 personnes en prison. L’histoire s’est répétée il y a quelques semaines au Centre de détention préventive de la Zone 18, par l’assassinat de sept autres accusés avec un haut niveau de violence et une extrême cruauté.

Dans les rues de Ciudad Quetzal, province de Sacatepéquez, les professeurs et 5400 élèves de 18 collèges vivent, travaillent et étudient sous la terreur des gangs qui dominent la ville dans les faits. La situation est devenue plus tendue après qu’en mars dernier les gangs aient menacé : « Les collèges qui fonctionnent, nous allons les attaquer. » Un professeur a avoué au quotidien local La Prensa Libre : « Nous ne pouvons pas donner cours tranquillement. Cela nous préoccupe, parce que personne ne se sent bien et que nous ne trouvons pas de solution. » A diverses occasions, l’inquiétude les a contraints à suspendre les cours.

Devant cette situation, le chef du 16e commissariat de la ville, où se trouve la majorité des collèges menacés, a mis en oeuvre des opérations de surveillance : il a augmenté la force publique de 14 à 24 policiers, avec 4 patrouilles.

Le commandant Javier Alvarez assure qu’il y a six gangs à Ciudad Quetzal, principalement ceux qui se font appeler M-18 et Mara Salvatrucha, « dont les membres consomment de la drogue et portent des armes de tout type, des couteaux, des machettes et des bâtons, jusqu’aux escopettes artisanales et aux armes à feu de fabrication industrielle. » D’après les rapports du Commissariat 16, les bandits attaquent les passants et exigent l’ « impôt sur la circulation aux chauffeurs des autobus. »

Malgré l’action de la police, les habitants de Ciudad Quetzal n’ont constaté aucun changement, et ils craignent encore plus les bandes, lesquelles ont juré de se venger des habitants pour avoir « fait du bruit. »

Le gouvernement d’Alfonso Portillo prépare une loi pour faire face à ce problème. Mais en attendant, les autorités locales doivent chercher les moyens d’affronter et de neutraliser les délinquants. A Todos Santos Cuchumatán, Huehuetenango, les gens assurent que le problème des bandes les a obligés à s’organiser en comités de sécurité. Pour cette raison, ils se sont rendus à la Cour suprême de justice (CSJ) pour solliciter des juges leur autorisation afin d’éviter de commettre des abus d’autorité.

Le maire de Todos Santos, Julián Mandoza, a signalé qu’au moins 40 chefs de gangs opéraient dans cette commune, qu’ils poussaient à la délinquance et cherchaient à enrôler plus de jeunes de la localité. La sécurité est minimale : il y a seulement huit agents de police, quatre de jour et quatre de nuit. Un couvre-feu est décrété dans cette localité. A partir de neuf heures du soir, personne ne peut sortir de chez lui sans courir le risque d’aller en prison.

Mais cette mesure porte plutôt préjudice aux habitants.

Le directeur général de la Police nationale civile (PNC), Luis Arturo Paniagua, assure que plus de 200 maras opèrent au Guatemala, de là une recrudescence alarmante des assassinats, vols, viols, et autres délits. Paniagua assure qu’on vient de lancer dans le quartier de Villanueva, dans la capitale, un projet pilote auquel participe une police communautaire. Cette initiative consiste à permettre aux policiers d’entrer en contact avec les bandits et de les « convaincre » de ne pas commettre d’actes délictueux dans la zone. L’autre partie du projet vise au désarmement des bandes. Sur ce dernier point, l’officier a fait ce commentaire : « Nous faisons des efforts pour leur ôter toutes ces armes, car nous considérons qu’un pourcentage élevé des crimes a lieu lors d’affrontements entre les bandes. »

Les autorités locales et les organisations de voisins font la plus grande part des efforts destinés à freiner la délinquance. Mais l’intervention du gouvernement central dans cette affaire continue à manquer. Pour Carolina Vázquez, chroniqueuse de La Prensa du Guatemala, « la seule explication à cette prolifération d’assassinats, d’attaques, de vols, de viols et de désordre dans les transports, c’est simplement qu’il n’y a pas d’autorités capables de les freiner. Il est probable, au vu des choses, qu’elles ne se rendent même pas compte de ce qui arrive aux habitants. Il suffit de circuler dans les rues, les centres commerciaux et les routes pour se rendre compte que la ville est sans aucune protection. Dans cette situation extrême, il faudrait que les bandits soient des retardés mentaux pour ne pas en profiter. » Un doute surgit cependant : s’agit-il seulement, de la part des corps de sécurité, d’une incapacité à agir ou bien d’un refus délibéré d’agir ?

 

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El Flaco n’y va pas par quatre chemins : « Nous sommes en colère contre le président (Francisco Flores), et nous prévenons le gouvernement : nous, les gangs, nous allons contrôler tout le Salvador. » Le délinquant de 22 ans est membre de la Mara Salvatrucha ; c’est ainsi qu’il a réagi au plan de sécurité que vient de lancer le gouvernement. Le 23 juillet dernier, le président Flores s’est rendu dans une zone contrôlée par les maras. Escorté par des unités spéciales de l’Armée et de la Police, Flores a annoncé l’opération « Mano Dura » (Main de fer, N.d.T.) pour arrêter les bandits et recouvrer une certaine tranquillité dans les quartiers périphériques et populaires. A ce jour, plus de 150 délinquants ont été arrêtés. Les communes où le plan est mis en oeuvre sont Soyapango, Apopa, San Salvador et Ciudad Delgado, dans le département de San Salvador, et dans la zone nord du département de La Libertad. Parmi les bandes les plus combattues, on trouve la Salvatrucha, M18, Mao Mao et Máquina. Mais la moitié des bandits ont été remis en liberté faute de preuves, surtout parce que les habitants ont peur de les dénoncer.

Dans une réforme de la loi qui fait partie du plan « Mano Dura », le seul fait d’appartenir aux maras est considéré comme un délit. De plus, il est stipulé que les mineurs, même âgés de douze ans, qui ont commis des crimes seront jugés comme des adultes, malgré les conventions internationales de protection de l’enfance et de la jeunesse signées par le Salvador. El Flaco dit que « c’est une saleté, cette loi, et je lui dis, au président, qu’il est fou. Comment pourront-ils capturer les 17 mille que nous sommes ? . »

Flores accuse les maras de commettre au moins une centaine d’homicides par mois, mais ceux qui critiquent le gouvernement assurent que le mandataire omet le crime organisé et les autres mafias, tout aussi puissantes. Selon des statistiques extraites de l’enquête « Barrio Adentro » réalisée sous les auspices de l’Université centraméricaine (UCA) et de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), rien qu’au Salvador les membres des maras sont entre 30 mille et 35 mille jeunes.

Le Salvador compte 6,2 millions d’habitants, la densité de sa population est de 298 habitants au kilomètre carré. La pauvreté affecte 52 pour cent de la population. Le tableau social révèle que 82,9 pour cent des familles qui ont des jeunes dans les gangs vivent dans la pauvreté ; dans 72,7 pour cent d’entre elles, la mère est chef de famille. L’État, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas de programmes spécifiques destinés à la jeunesse, ni à la prévention du phénomène des gangs. Dans la misère et la marginalisation, les adolescents n’ont pas d’autre choix de développement que ce qu’ils trouvent dans la rue.

Selon une étude de la Police nationale civile (PNC), les bandes du Salvador sont organisées en 309 groupes, les plus nombreux se trouvant à San Salvador, Usulután et La Libertad, avec 15 mille membres. On y entre dès l’âge de neuf ans. Le nombre des délinquants pourrait augmenter dans les prochains mois, car le gouvernement des États-Unis a prévenu qu’il expulserait tout jeune étranger qui serait condamné en tant que membre d’une bande pour un crime violent.

Daniel Kane, porte-parole de l’Office de l’Immigration et des Douanes (ICE en anglais), a déclaré à l’agence EFE : « Nous voulons adresser un message clair, sans équivoque, aux jeunes qui participent aux guerres entre bandes et à d’autres délits, parce qu’ils seront expulsés et n’auront pas le droit de revenir aux États-Unis même s’ils y ont de la famille. » Ces expulsions seront mises en application quel que soit le statut légal du jeune.

 

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Bien que le phénomène des bandes ne soit pas nouveau aux Etats-Unis, les autorités sont préoccupées par les récents incidents violents enregistrés à Washington D.C. Dans la capitale des États-Unis, la guerre entre bandes latines, comme Vatos Locos, Mara R, 1-5 Amigos et Street Thug Criminals a causé quatre morts et un blessé grave ces deux dernières semaines.

Dans ce contexte, la nouvelle loi approuvée au Salvador stipule qu’un expulsé pourra être incarcéré dès son arrivée au pays si « on déduit de ses antécédents, de sa tenue ou de sa conduite, qu’il appartenait à une bande. » C’est cet aspect et d’autres semblables de ladite loi qui a fait du bruit parmi les activistes et les organismes des droits humains. L’une des premières personnes à dénoncer les procédés arbitraires fut Madame le Procureur pour la Défense des Droits de l’Homme, Beatrice de Carrillo, qui a affirmé que « les mesures récentes prises par le Président biaisent imprudemment le combat contre la délinquance qui présente des aspects très graves dans d’autres domaines : le crime organisé, la séquestration, le blanchiment d’argent, le commerce des drogues et la corruption sociale et institutionnelle qui salissent l’image du Salvador aux yeux du monde entier. »

Pour sa part, la directrice de Hommies Unidos, Silvia Beltrán, signale que, s’il est plus difficile de défendre des jeunes bandits que des paysans ou des gens qui ont été torturés, les droits de l’Homme ne discriminent personne.

Dans les deux cas, on s’en remet à l’Armée pour résoudre les problèmes sociaux, fait que l’on dénonce comme violation des droits civils. Pour Beltrán, le plan « Mano Dura » du gouvernement salvadorien est une action de propagande qui n’arrêtera pas la délinquance : « Le Président veut que les gens votent par peur aux prochaines élections, mais le Salvador vit dans la violence depuis longtemps et ce qu’il cherche, c’est qu’on respecte les droits civils. » Il ne servira à rien que « l’Armée, comme elle l’avait fait auparavant pour les guérilleros, monte maintenant dans les bus et exige des jeunes qu’ils soulèvent leurs tee-shirts. S’ils portent des tatouages, c’est suffisant pour les arrêter pendant 72 heures, même si l’on n’a pas ensuite de preuve qu’ils aient commis des actes incorrects. Le problème est plus complexe et nécessite des solutions plus créatives, dures, mais qui donnent des choix aux jeunes. » Hommies Unidos a été fondée en 1996 et se consacre à réduire le banditisme aux États-Unis et au Salvador au moyen de programmes de réinsertion sociale et de rééducation.

Pour sa part, Hugo Martínez, député du Front Farabundo Martí pour la Libération nationale, propose de créer un cadre social, légal et politique intégré qui vise à éradiquer les maras, mais qui inclue l’éducation, des emplois pour les jeunes, et n’implique pas seulement la répression. En ce sens, le directeur pour l’Amérique Latine de Caza Alianza, Bruce Harris, qui consacre ses efforts à s’occuper des enfants et des jeunes de la rue, affirme que depuis plus de 10 ans, son institution traite avec les autorités gouvernementales d’Amérique Centrale, mais que ces dernières n’ont pas pris en considération les enfants et jeunes abandonnés. « La seule réponse des autorités a été la répression. Et après 10 ans de répression, que pouvons-nous attendre des mareros devenus grands ? Casa Alianza est tout à fait d’accord que les autorités jugent ceux qui violent la loi. Mais la loi ne peut être crédible que si elle est appliquée équitablement, y compris contre des assassins en uniforme, des politiciens corrompus et aussi contre les mareros assassins ou voleurs », a précisé Harris.

Malgré les difficultés à affronter le problème des bandes, des programmes réussis de réhabilitation ont fait leur apparition. Un exemple est celui du centre de réhabilitation « Dios al Rescate », initiative due à la famille Milla et à l’Église catholique. Ce centre héberge des dizaines de jeunes anciens bandits et a obtenu du travail pour 42 anciens mareros.

La tentation de vivre en tant que délinquant dans la rue est forte face au manque d’opportunités de recevoir une éducation et de trouver un emploi. Au Salvador, l’autre choix des adolescents est d’émigrer vers le Mexique et les États-Unis. LIRE LA SUITE SUR : RISAL Info

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